instruction en famille, deux ans après
nous avons commencé l’instruction en famille avec mon aîné il y a maintenant
2 ans et nous aborderons le CM2 à la rentrée 2015.
j’ai toujours envisagé l’ief comme une situation particulière,
exceptionnelle et adapté à mon fils dans sa situation. comprenez que je ne
considère pas l’ief comme une norme ni un dogme et que je n’ai aucune
rancune envers l’éducation nationale (comme je tente de l’expliquer
dans mon premier témoignage).
et pourtant, à l’approche de la rentrée scolaire de mes autres enfants,
je prévois déjà de ne pas les envoyer à l’école.
retour sur un choix d’instruction, un choix de vie, un projet familial.
on plante le décor …
nous nous sommes lancés dans l’aventure de l’instruction en famille sans
rien y connaître et dans des circonstances un peu chaotiques. nous avons eu
des doutes, de belles engueulades, mais pour finir, mon fils et moi avons
décidé de continuer. nous avons trouvé un équilibre dans nos rapports et
son instruction remplit le cahier des charges de l’académie, confirmé par
les deux visites à domicile des inspecteurs.
je reste convaincu de la légitimité d’un service public comme l’éducation
nationale et ses agents ont tout mon respect. je trouve également que les
visites des inspecteurs à domicile permettent de maintenir une équivalence
entre le mode ief et le monde normée de l’école classique.
lors de la dernière visite, l’inspectrice m’a précisé que si j’envoyais
les devoirs au CNED (je continue de passer par le cned pour l’équivalence
des cours), je serais dispensé des inspections… j’ai refusé les devoirs,
préférant nettement l’échange direct avec un pro(f)
un bon rapport avec les services de l’éducation nationale, une situation
exceptionnelle de déscolarisation, mais alors pourquoi prévoir le même
schéma pour les autres enfants ?
pour deux raisons que j’aimerais vous exposer :
le premier point, le constat alarmant …
nous habitons dans un village, par choix, pour profiter d’une qualité de
vie sans argent mais avec humanité. les soucis que nous avons rencontré
il y a deux ans au sein de l’école, et qui nous ont fait choisir l’ief,
ne m’ont pas fait douter de l’éducation nationale. mais le contexte a changé.
depuis, plusieurs affaires de violences graves ont été révélées dans
plusieurs écoles (sans parler des violences légères, des incivilités et
autres comportements agressifs ou à caractères sexuels), ce qui montre
à l’évidence que notre société produit des monstres mais qu’elle refuse
de le voir, puisque l’institution censée assurer l’instruction
(en sécurité) de nos enfants se retrouve malgré elle, minée par ce genre
d’individus.
notez bien que je n’accuse absolument pas l’éducation nationale ni ses
agents et j’ai conscience que ce sont des cas isolés, mais je constate
qu’ils ne peuvent pas être instituteurs, policiers, psychologues, assistante
sociale, gardiens du temple ou je ne sais quoi d’autre encore, tout ça pour
pallier à notre manque d’engagement et de discernement.
oui, je dis notre car nous sommes tous responsables de la sécurité et de
l’avenir de nos enfants, de tous les enfants : si un enfant tombe devant
toi, le tien ou pas, tu l’aide à se relever non ? (si tu réponds que tu
t’en fous, tu peux arrêter de lire maintenant, je ne voudrais pas
te faire perdre ton temps d’avantage.)
les instit’ sont là pour instruire nos enfants, pas pour les éduquer. l’éducation est la responsabilité des parents. mais comme les profs, ils se retrouvent sans moyens ni soutien… l’école a de plus en plus de mal à résister au monde extérieur (télévision, réseaux sociaux, publicité…). l’espace de protection rassurant nécessaire à l’apprentissage est corrompu. et au centre de tout, les instit’ ne peuvent que se résignent à travailler en sous-nombre, sans moyens, car le système est comme ça, trop lourd, trop lent … et on y peut rien… et il ne faut pas abandonner les enfants, même si notre pays dépense plus en obus qu’en stylos.
pour en revenir au quotidien, voilà que dans mon village, un élève de cm1
se retrouve bloqué par ses camarades à la récré pour se faire dessiner un
pénis sur le front. ça aurait pu être mon fils. ça aurait du être sa classe.
le climat général nécessaire pour que ce genre d’incident arrive est très
révélateur d’une communauté, que ce soit les parents, le corps enseignant
et la société qui nous entoure. mon devoir de père, tel que je le conçois
(je précise car je ne me permettrais en aucun cas de juger des parents et
leur façon de faire), est de préparer mes enfants à découvrir le monde.
les préparer à l’aimer et à être aimé. cet objectif n’inclut pas les brimades,
l’humiliation, l’insécurité, l’intolérance… toutes ces choses qui
envahissent maintenant nos écoles, sous le regard impuissant des instit’
qui n’ont plus ni moyen ni soutien, pris entre les programmes,
l’administration, les parents et leur passion pour l’enseignement.
non, c’est pas joli, et je ne vous ferait pas l’affront de vous livrer
une solution en 20 lignes. je n’ai pour l’instant trouvé que celle de
l’instruction à la maison, qui correspond à notre famille et notre situation.
mais c’est une chance d’être hors-concours selon pôle-emploi (des propres
mots de mon conseiller “je ne vais pas vous embêter plus longtemps monsieur…”)
et de pouvoir donner de son temps pour ses enfants.
mais je ne me défile pas et je travaille sur plusieurs approches et différentes
réflexions que je vous livrerai bientôt.
le second point, pour redonner le sourire, l’instruction en famille en soi …
pratiquer l’ief a totalement modifié notre approche de l’instruction :
l’école n’est plus une obligation répétitive mais une activité quotidienne
choisie ; on choisit le moment, la matière et le mode d’apprentissage.
ce choix est discuté, expliqué, partagé. ça paraît tout con dit comme
ça mais ça change tout !
mon fils est plus motivé pour apprendre et moi pour enseigner. un cours
d’histoire ou de français peut s’inviter au milieu d’un film ou du repas
familial, l’apprentissage des phases de la lune peut se dérouler la nuit,
la biologie a sa place dehors (on attend la fin de la canicule)… chaque
question donne naissance à une conversation et non à un cours magistral…
j’ai fait l’erreur, la première année, de calquer notre rythme sur celui
de l’école. ce fut un échec. pas pour les résultats “scolaires” de mon fils,
mais nos rapports se sont détériorés … je ne sais pas faire le prof (oui,
c’est un métier qui demande une certaine organisation et un savoir-faire),
mais je sais être le papa qui t’apprend des trucs.
cet échange, ce partage, cette liberté, la spontanéité qui s’en dégage,
je veux le vivre avec mes autres enfants.
bien sûr, nous connaissons comme dans beaucoup de familles, de grands
moments de solitudes avec nos sales mômes ingrats et profiteurs mais pour
l’instant, tout le monde est vivant et chacun évolue à son rythme.
ma femme et moi allons donc entamer cette rentrée avec 3 élèves, moyenne
et grande section de maternelle + cm2 … tout un programme . nous
continuerons d’utiliser les services du cned, très bonne façon de permettre
un réel suivi des programmes de l’éducation nationale et ainsi assurer une
équivalence, afin de laisser la possibilité à nos enfants de tester
l’école traditionnelle.
nous abordons cette année avec quelques angoisses car les deux petits
(4 et 5 ans) fonctionnent en mode miroir, mais plus vers celui de 4 ans pour
l’instant. nous aimerions inverser cette tendance en mélangeant les deux
programmes à la manière des classes mixtes.
je ne vous mentirai pas : notre mode éducatif est un bonheur à vivre,
mais une horreur si on a peur de ne pas être à la hauteur, et si on laisse
cette peur diriger l’instruction… si on place la performance
au-dessus de la connaissance.
si vous choisissez l’instruction en famille, n’oubliez pas d’avoir
confiance en vos enfants, en leur capacité d’apprentissage, d’adaptation
(ça vous énerve pas qu’ils captent la télécommande avant vous ? ).
laissez-les poser des questions… sans avoir à lever la main lorsque
vous verrez que vous avez une réponse pour la plupart d’entre elles,
vous prendrez confiance en vous.
ceci-dit, et avant tout, soyez honnête. l’instruction en famille demande
une certaine disponibilité, et pas uniquement en terme de temps, aussi
et surtout en terme d’esprit : et si les gamins savent détecter les profs
qui s’en tapent ou pour lesquels c’est une corvée, ils le verront aussi
chez vous.
les institutrices et instituteurs vont également reprendre le travail.
certains dans un environnement favorisant la transmission des connaissances,
un espace de respect et de partage, et alors la magie de l’école sera au
rendez-vous : avec les rires des enfants, les gâteaux bizarres de la maîtresse,
les questions qui fusent et les réponses qui passionnent… oui, certains
auront de la chance.
pour les autres, bien obligés de réaliser qu’ils ne peuvent que “sauver les
meubles”, je souhaite tout le courage du monde car avoir tant à donner à nos
enfants et se voir refuser les moyens de le faire, c’est tout simplement une
injustice d’État a mes yeux.
à celles et ceux qui ont fait de la transmission du savoir leur passion,
j’aimerais dédier cette “délicieuse” phrase de mon père…
beaucoup de gens veulent des enfants, mais rares sont ceux qui veulent passer du temps avec…
merci de faire de nos enfants votre passion
et souhaitez-nous bon courage pour cette année…
++
arp