IEF aka l'école @home, état des lieux et choix raisonnés...
une série d’articles pour expliquer notre choix de l’instruction en famille, comment ça se passe, avec quels résultats, dans quelles conditions, bref, tout ce que je peux partager en public à ce sujet afin d’aider d’autres parents à comprendre et accepter ce mode d’instruction comme une alternative possible, sans pour autant parler de solution universelle.
je mettrai bientôt en ligne le programme annuel des cours ainsi que différents supports dans les articles suivants. mais voyons comment tout a commencé, et où nous en sommes actuellement…
un passif
j’ai suivi une scolarité agréable dans des écoles catholiques –alors que je ne suis même pas baptisé–, pas un élève brillant, habitué des “peut mieux faire” et autres “bavardages trop fréquents” sur mon bulletin, mais avec un bac D obtenu sans trop d’effort à 17 ans, je me classe parmi les élèves qui s’en sont bien sortis. je n’ai aucun traumatisme lié à ma scolarité, je ne cauchemarde pas sur mes anciens profs, ni ne garde rancune de mon passage dans l’éducation nationale.
en revanche, j’ai du mal à accepter le principe qu’un unique modèle éducatif puisse être adapté à tous les enfants : certains s’en sortent moins bien que d’autres, et quelles qu’en soient les raisons (soucis familiaux, manque d’intérêt, profs incompétents, soucis d’intégration à la classe, flemmardise…) le résultat est un manque de connaissances de base, ce qui empêche la prise de décision libre et consciente. et je veux que mes enfants soient capables de prendre leurs décisions autrement qu’en regardant tf1 quand ils seront grands.
un désir
l’idée de l’instruction en famille est arrivée dans nos vies dès nos premières discussions à propos de l’éducation. le désir de transmettre à nos enfants a toujours été vivant chez nous. notre aîné n’est d’ailleurs entré à l’école qu’en classe de grande section de maternelle. à cette époque, nous nous posions encore des questions sur les bienfaits de l’ief : habitants dans un petit village, nous échappions aux violences et autres phénomènes désagréables des grandes villes, la petite école du village semblait cool, les institutrices accessibles, aucune raison de ne pas laisser notre fils découvrir cette ambiance d’école communale.
une personnalité
chaque enfant réagit différemment lors de l’immersion dans le monde scolaire. notre fils, très sensible, ayant de grande difficulté à contrôler ses émotions, et hors de lui quand il s’agit d’injustice, est devenu en deux ans un étranger dans sa classe. il faisait partie de ces élèves qui se baladent seuls dans la cour de récréation, sans trop en souffrir, mais sans amis non plus…
ses rapports avec le corps enseignant ont toujours été les mêmes : les institutrices l’ont toujours trouvé curieux, agréable, intelligent, mais bavard et ingérable en classe : notre fils n’accepte pas bien le système répétitif de l’école et s’ennuie très vite lorsqu’il a compris. et il n’est pas du genre à s’ennuyer calmement… rien de méchant, mais il se lève, va filer un coup de main au voisin, va chercher un livre pour patienter, pose des questions… “pas gêrable” quoi. le genre de chose qui a fait dire à sa dernière instit’ que mon éducation rendait mon enfant malheureux et qu’il s’exprimait trop en classe à cause de moi, mais j’y reviendrai.
des circonstances
à la rentrée en CE2, nous avons proposé à notre fils de faire l’école à la maison. nous en avons discuté avec lui tout l’été car j’avais perdu mon emploi, et vu les circonstances, j’avais du temps libre et une grande envie de partager avec lui. il a voulu retourner à l’école, surtout que la “bande” qui se moquait de lui en classe se retrouvait séparée par le jeu du passage en CE2. mais la situation n’a fait que s’envenimer : la fameuse bande s’est vite reformée dans la cour de récré, et l’institutrice de mon fils n’a pas trouvé mieux pour résoudre les soucis qu’elle a rencontré avec lui, que d’interdire à mon fils de parler en classe — ça je peux comprendre — , mais également aux autres élèves de lui parler. vous imaginez facilement que cette stigmatisation n’a rien arrangé… beau travail de sociabilisation au passage. les nuits agitées ont commencé, le travail était médiocre, mon fils n’était pas heureux. devant les accusations de l’institutrice et le silence total du corps enseignant et du directeur (l’institutrice étant dans sa dernière année…), et profitant des vacances de la Toussaint, nous avons pris la décision de retirer notre fils de la petite école du village.
une pause nécessaire
hors de question de fonder notre pédagogie “contre” quoi que ce soit. malgré les circonstances, les comportements “anti-*” ne mènent à rien à long terme et finissent surtout par faire du mal. ceci pour dire que la décision de déscolariser notre enfant n’est que la suite logique de notre observation de son comportement, de ses facilités à l’école, de son rapport avec le corps enseignant et de notre envie de nous impliquer plus encore dans l’éducation de nos enfants. notre fils aussi avait besoin de faire une pause, nous devions prendre le temps de lui expliquer comment ça allait se passer, qu’est-ce-qu’il allait devenir en somme : nous avons donc commencé par un mois de vacances, le temps pour mon fils d’oublier l’ambiance de l’école, et pour moi de recevoir et de préparer le programme de l’année.
premiers pas…
l’instruction en famille est encadré par des obligations simples : écrire à son maire et à l’académie dont dépend votre enfant : deux lettres suffisent pour être en règle avec la loi. ça c’est pour les relations extérieures, c’est le plus simple à gérer, passons à la vie de famille.
j’aime mes enfants, mais ce n’est pas une compétence. je ne suis pas instituteur. je sais lire les programmes publiés sur le site de l’éducation nationale, mais de là à les transformer en leçons… nous avons donc pris la décision de nous appuyer sur les cours par correspondance du CNED. c’est un choix de facilité assumé : j’aurais pu passer plus de temps à chercher des supports variés, mais je voulais préserver une possibilité de retour en cas d’échec de ma part. le cned offre une équivalence qui permet de reprendre les cours au cas ou…
en novembre, nous avons donc recommencé le programme de CE2 depuis le début. j’ai établit un planning annuel en me basant sur les cours du cned, un truc de base avec un agenda et des heures de classes. j’en ai prévu entre 2 et 4 par jour pour pouvoir terminer le programme fin juin, mais aussi pour pouvoir moduler, ajouter ou reporter une leçon selon le niveau atteint. pas le temps de traîner, je recevais en décembre la lettre m’informant du passage de l’inspecteur d’académie, prévu pour janvier.
j’étais tellement angoissé par cette inspection, que j’ai passé 3 mois à “faire le
prof” — et pas dans le bon sens — à la maison. les rapports avec mon fils se sont
dégradés et, lors de la visite, je faisais pas le fier, croyez-moi. un résultat
négatif mène à une contre-visite et sans améliorations, c’est retour à la case école
traditionnelle.
c’est donc dans une ambiance un peu tendue que l’inspecteur est arrivé à la maison.
rendez-vous courtois, demande d’explications sur nos choix et les circonstances de
la déscolarisation de notre fils, examen sur les connaissances acquises, revue des
cours effectués et du programme à venir, et enfin, après 2h30 de conversation
ponctuée de prises de notes, le bilan final.
le mec a attendu au moins 25 secondes avant de parler… un calvaire. 25 secondes pendant lesquelles tous tes choix pédagogiques passent dans ta tête. je le voyais parcourir son petit carnet, je l’imaginais scruter notre vie, nos décisions, évaluer mes capacités à instruire mon fils. puis il ouvrit la bouche :
ne vous en faîtes pas monsieur, tout va bien. votre fils est déjà en avance par rapport au programme national, et vous avez très bien fait de le retirer de l’école au vu des circonstances et de son caractère. pensez simplement à faire redescendre la pression.
Ouf !!
après cet entretien, j’ai pris conscience que le plus formaté entre mon fils et moi… bah c’est moi — logique me direz-vous — et c’est donc dans une ambiance plus cool que l’école a reprit dans la famille. à raison de 3~4 cours/jour, nous avons fini le programme de CE2 en juin, mais en faisant l’impasse sur la musique. la naissance de la petite dernière en juin a un peu bouleversé notre planning.
l’école anarchique organisée
et nous voici de retour pour l’année de CM1. ne voulant pas répéter les erreurs de l’an passé, j’ai attaqué les révisions et les cours d’informatique au mois d’août à raison de 2h par jour maxi, histoire de reprendre le goût de l’apprentissage avec un outil moderne. par chance, je bosse sur handylinux, les cours se sont bien passés.
pour les autres matières, j’ai prévu un programme sur l’année avec des cours du lundi au vendredi, 3 cours modulables par jour : on choisit la matière et l’ordre ensemble. ce programme basé encore une fois sur les supports du cned, se termine en mai. pas de vacances sauf à Noël et 5 jours fériés à chaque anniversaire familial. le reste de l’année, jusqu’en août, est consacré à la musique et aux arts plastiques. ces deux matières ne sont pas absentes de notre vie, mais je n’arrive pas à concevoir le coup du “cours de musique”… genre
aujourd’hui, c’est Mozart, ouvrez vos cahiers.
pour ce qui est des arts plastiques, mon fils est vraiment pas fan… alors il faut que je ruse avec de l’approche informatique (merci the Gimp) ou en lui parlant de mon expo de dessin sur les symboles ou les labyrinthes, parce que les peintres classiques et l’art naïf … il s’en tape un peu.
même si le principe du “cadre” me gêne, je l’intègre dans notre douce anarchie. le cned et son programme sont les seules choses fixes de notre vie. je prévois des moments “cadrés” pour instruire mon fils.
bref, anarchiste je suis, je ne vais pas me cacher, mais il reste une réalité : le monde extérieur, celui dans lequel je vais envoyer mes enfants, ne partage pas vraiment mes valeurs. je me dois donc en tant que père, et dans mon cas, “instructeur”, de préparer mes enfants à pouvoir gérer ce monde, l’appréhender, et au final, y trouver l’amour, le sentir vibrer, et pouvoir en profiter :)
cette tâche m’oblige donc à expliquer à mes enfants comment fonctionne le racisme par exemple. et oui… ça paraît stupide et même affreux dit comme ça. mais c’est vrai. mon fils n’avait aucune idée de ce qu’est le racisme, il n’a jamais entendu de blague raciste à la maison, ni en maternelle, mais le racisme existe. et je me retrouve dans la situation perverse du père qui, protégeant ses enfants d’un mal, se doit de lui en montrer les pires aspects afin qu’il comprenne le monde dans lequel je l’envoie. j’avoue que les rares fois où j’ai du avoir ce genre de discussions avec lui, ce fut vraiment dur. à propos du racisme, du travail des enfants, de la violence conjugale ou quand je lui ai expliqué le principe des colonies…
je prends conscience au fur et à mesure que certains sujets doivent être traités
de la façon la plus neutre possible à l’école, mais ne peuvent pas l’être en
famille. je ne peux, en tant que père, décrire de façon neutre les ravages des
croisades ou du colonialisme.
je ne peux, en tant que père, taire le chaos généré par les guerres de religion,
tout ceci au nom d’un même dieu bienveillant. l’instruction d’un enfant de 9 ans
ne peux pas être neutre lorsqu’elle vient du père, et ne doit pas l’être ! mais
cet aspect de notre relation, je dois la contre-balancer par un suivi quasi sans
failles du programme officiel du cned, assurant ainsi à mon fils l’apprentissage
des codes qui lui permettront de comprendre ce monde … et ses humains surtout.
cas particulier : la musique
violoniste de formation, avec quelques années de solfège au compteur, j’ai décidé
de donner des cours de musiques un peu différents à mon fils. ces cours débuteront
en février et déboucheront sur la prise en main d’un instrument. je vais
travailler en fonction des instruments eux-mêmes. ce sont eux qui vont faire
découvrir la musique à mon fils.
je m’explique. prenons l’exemple du piano. mon but est de faire découvrir le
langage du piano à travers toute sa famille, du clavecin au synthétiseur moderne,
en utilisant les œuvres classiques, mais aussi the Doors, Elthon John, Jerry Lee
Lewis ou Bowie.
l’arrivée du printemps et l’arrêt des autres matières vont aussi nous permettre de
démarrer l’apprentissage d’un instrument que nous aurons découvert ensemble. je
publierai à ce sujet et j’espère que vous me ferez part de vos morceaux préférés
afin d’amplifier la culture musicale de mes enfants (merci par avance).
il me reste du taf…
la sociabilisation, le grand sujet qu’on me ressort à chaque fois. alors pour commencer, mon fils est tout à fait sociable et poli, c’est juste qu’il trouve pas vraiment d’intérêt à l’interaction au bout d’un temps assez court selon les interlocuteurs. en revanche, si il vous aime bien, vous êtes foutu. on a tenté les sports collectifs, mais les règles du jeu, ça l’agace. il remet toujours en question avec ses “et si on faisait comme ça, non ?”, bref, il est mieux dans son club d’échec, avec un jeu aux multiples facettes et possibilités… d’ici à ce qu’il en fasse le tour…
le sport, c’est pas la joie. enfin, pas pour lui en tout cas… pas bien son truc le sport. ça fatigue et ça fait mal aux jambes… reste la randonnée, mais souple.
multiplier les supports d’apprentissage : comme on est un peu mieux rodés cette
année, je peux me permettre de moduler notre planning afin de prévoir une sortie
au musée, visiter des monuments (si c’est son truc), se faire du camping sauvage,
se taper l’intégrale du Hobbit, bref, plein de choses à faire avec son môme, et
qui peuvent aussi s’inscrire dans le cadre pédagogique (bah oui, Tolkien, c’est un
classique non ?)
trouver des activités qui lui plaisent, avec d’autres enfants.
pour résumer
nous pratiquons l’instruction en famille pour notre fils, et pas contre l’éducation nationale, les profs ou le système. cette idée a toujours été présente, il nous a fallu du temps et des circonstances particulières pour nous y mettre, c’est tout. je tiens à préciser ceci car notre fils a été très bien entouré par ses précédentes institutrices, des femmes dévouées et chaleureuses, qui ont pris le temps de comprendre notre fils et de tenir compte de ses “différences”. je sais que certains élèves demandent plus d’attention à certains moments de leur scolarité. pour une institutrice ou un instituteur seul avec 25 élèves, c’est quasiment impossible en primaire, même avec la meilleure volonté du monde — chapeau bas celles et ceux qui y arrivent, sérieux —.
j’espère que cet article vous aura fait comprendre pourquoi certains choisissent l’instruction en famille, que ce n’est pas forcément une rébellion ou un rejet de quoi que ce soit. et si vous avez le temps de le faire, si vous voulez passer plus de temps avec vos enfants tout en leur transmettant vos connaissances et votre expérience, n’hésitez plus : parlez-en avec vos enfants, ça peut les intéresser…
ps : spéciale dédicace à ma femme qui a démarré la maternelle avec nos 2 petits cette année
bis@+
arp