règle ment
je tentai il y a quelques jours, de partager ma conviction optimiste… mais j’en ai (un peu) oublié le côté anar de la chose. oubli que je vais me faire un plaisir de réparer aujourd’hui.
en dehors des définitions et autres catégorisations, j’aimerais vous parler de cette anarchie qui berce ma vie et que certains qualifieraient de joyeux bordel … ça me va en fait comme compliment
on commence par le début (comme quoi on peut parler de l’anarchie dans l’ordre)
ni dieu, ni maître !
voilà … c’est tout ce que je peux dire si je tente de définir l’anarchie.
tout ce que vous pouvez ajouter à ces quatre mots ne fera que les dénaturer…
mais je vais tout de même m’y risquer.
il n’existe pas de “règlement de l’anarchie”, pas de mode d’emploi. l’anarchie se vit plus qu’elle ne se définit et c’est ce qui la rend aussi subversive, aussi dangereuse aux yeux des gouvernants et autres psychorigides de tous bords.
à celles et ceux qui se posent des questions à propos de l’anarchie, je leur
parlerai d’un champ de blé dans lequel poussent quelques coquelicots. comment
les voyez-vous ? en rang, bien alignés sur un côté pour pas faire tâche, en
carré au centre pour faire bien net, ou un peu partout parce que c’est comme
ça qu’ils ont poussé ? … vous voyez, l’anarchie, c’est évident. pas besoin
de définition, tout est anarchique dans la nature, rien ni personne ne dirige,
mais tout s’adapte et s’organise.
l’anarchie est le phénomène naturel le plus simple à observer dans le vivant :
même dans les sociétés animales évoluées, l’organisation hiérarchique a pour but
la survie de tous, et non l’enrichissement d’un seul. les choix sont guidés par
la nécessité du clan, et pas par l’envie ou l’ambition de son meneur. même si
la hiérarchie est présente, elle n’est pas source d’esclavage ou d’humiliation.
les règles existent mais se sont forgées de façon empirique ou instinctive, et
non sous l’impulsion d’un seul membre de la meute pour son profit personnel.
les animaux censés être moins évolués, n’ont jamais douté que leur survie
dépendait de celle des autres… seul l’humain arrogant croit qu’il peut
survivre seul.
l’humain anarchiste, quant à lui, est mal perçu dans une civilisation basée
entièrement sur les règlements, les normes et l’intégration au groupe. les
humains construisent leurs vies en fonction du système, s’organisent et “font avec”…
alors lorsque l’anar’ vous montre que non, une autre voie existe, et pas
qu’une en passant, il pose un doute sur toute l’organisation qui confond
équilibre et uniformisation. il ouvre une porte marquée “danger” par la loi,
et on s’aperçoit que cette porte ne mène pas à un autre pièce normée façon ikea,
mais à une vaste prairie sans portes ni barrières, et que ça fait des années qu’on
est enfermé dans un couloir.
le simple principe qui tend à nous faire croire, à nous qui sommes si différents
dans nos émotions, nos réactions, nos pensées, nos rêves, qu’un système quel
qu’il soit puisse répondre aux attentes du “plus grand nombre” est une erreur
pure et simple : c’est comme prescrire la même paire de lunettes à tous ceux
qui ont un problème ophtalmique en calculant la correction moyenne des patients
sur la planète… complètement con en fait !
mais je ne suis qu’un sale anarchiste irrespectueux qui ose comparer la misère
du monde à la myopie…
dans ce monde où le système économique libéral ne doit sous aucun prétexte être mis en cause car tout le reste, soi-disant, c’est pire ! l’anarchie est rapidement dépréciée et synonyme de bordel, de chaos, et dans une société dédiée à l’efficacité, au rendement et à l’apparence, les anar’ sont devenus des médiocres, des marginaux, profiteurs d’un système qu’ils dénoncent, hypocrites de la république.
c’est dans ce cadre peu réjouissant que je me suis découvert anarchiste… la bonne blague.
rien dans mon éducation ou mon expérience ne m’avait incité (volontairement) à m’orienter vers ce courant de pensée. je n’ai (toujours pas) lu de texte “anarchique”, de livre, d’article à ce sujet écris par des anar’ reconnus… (par qui ?). c’est un processus ablatif qui m’a mené à cette révélation (tout de suite, les grands maux) et je trouve mon existence plus riche après l’amputation de cette sur-couche hiérarchique inhérente à l’homme civilisé.
comprenez-moi bien, je suis parfaitement conscient de l’obligation de certaines
convenances pour que des humains puissent vivre en bonne harmonie. et la
plupart de ces convenances sont évidentes pour tout le monde : ne pas tuer,
ne pas voler, ne pas mentir, ne pas trahir, ne pas faire à l’autre ce que tu
n’aimerais pas qu’on te fasse…
c’est quand même pas compliqué dans le fond les rapports humains (le rapport
à soi-même, c’est plus délicat).
et là vous allez me dire que c’est facile de parler au niveau individuel mais
l’extrapolation ne permet pas de se contenter de valeur aussi simplistes…
vous croyez ?
- ne pas tuer … au pluriel, c’est un génocide… une différence. une des deux est mieux ?
- ne pas voler … au pluriel… ne pas exploiter les ressources du voisin et piller ses richesses, ne pas coloniser le monde sous prétexte d’apporter la “démocratie”, c’est si complexe ? il faut faire de la géopolitique pour comprendre ça ?
- ne pas mentir … au pluriel … à son peuple, ne pas cacher la vérité à sa nation
- ne pas trahir … ses promesses électorales, ce pour quoi on a été élu “représentant du peuple”
et donc ? faut faire l’ena pour capter le message sans déconner ???!!!
faut avoir un chef et un gouvernement pour appliquer ce genre de principes
humains ?
faut une loi écrite pour m’autoriser à défendre l’opprimé ?
ni dieu, ni maître !
et au quotidien, ça donne quoi ?
prenons l’exemple paradoxal de l’instruction en famille : le programme de l’éducation nationale représente une normalisation contre laquelle je devrais me dresser, et pourtant, non content de ne pas me rebeller, je suis scrupuleusement le programme du cned. et pour une raison simple : une partie de mon rôle de père (anar’, mais ça ne change pas mon rôle) implique de permettre à mes enfants de comprendre le monde dans lequel nous les avons plongé. cette mission m’oblige à expliquer des principes étranges à mes enfants, tels que le racisme, le sexisme, l’esclavagisme, le capitalisme… je dois aussi faciliter la communication entre mes enfants et le reste du monde, il me paraît donc nécessaire d’utiliser au minimum le programme du cned, histoire que mes mômes puissent comprendre la façon de penser des humains sortants d’écoles ça c’est pour le contenu de l’enseignement.
pour la forme, l’anarchie règne en maître. je ne suis pas professeur et je n’ai donc pas de fonction évidente aux yeux de mon fils. c’est là qu’intervient la notion de transmission dynamique… ou comment remplacer le chef par le guide et la manipulation ou l’autorité par la confiance… c’est un exercice de vigilance et d’empathie qui permet un échange bien plus productif que la répétition soi-disant obligatoire pratiquée dans l’enseignement conventionnel. cet échange permet non seulement la transmission du savoir, mais aussi la naissance d’un rapport humain entre mon fils et moi, qui dépasse le cadre père-fils, sans me faire passer pour son pote.
vous allez m’en vouloir, mais encore une fois, je n’ai pas de mode d’emploi …
chaque jour d’instruction en famille est différent, car il dépend de la
disponibilité de chacun, de la nuit passée, de tellement de choses en fait,
qu’il serait insultant de vous dresser un portrait comme si je détenais une
solution pour tous.
l’instruction en famille étant la partie le plus “réglementée”, le reste de notre vie est guidé par un çadépendisme conscient et une disponibilité bienveillante.
la plupart des humains malheureux dans leurs vies cherchent une solution, un chemin. la société actuelle ne leur propose que des modèles à suivre, mais aucune page blanche où écrire leur existence, aucune porte ouverte vers autre chose qu’une chambre ikea. je ne dis pas qu’ikea, c’est le mal, je dis juste qu’en faire une norme est une erreur. je dis que la norme est une erreur. la norme industrielle, matérielle sert à faciliter les connexions matérielles, mais les connexions humaines ne sont ni quantifiées, ni définies… elles ne peuvent donc pas être normalisées. l’humain ne peut être normé. l’humain n’est pas une chambre ikea.
l’anarchie telle que je la ressent, est une voie positive qui se défini dans la négation. la négation de la hiérarchie, du pouvoir, du manichéisme, de la norme humaine d’où qu’elle vienne et surtout, la négation de l’autorité gratuite sans révision possible. je crois que c’est parce que l’anarchie est si difficile à cerner que j’emploie volontiers le “çadépendisme”, plus simple à envisager lorsque je tente de partager ma façon de voir avec des amis.
j’espère que ce post vous aura donné envie de tester votre vie et vos envies, non pas pour révolutionner le système, mais simplement pour le rendre obsolète.
++
arp